Les allergies... est-ce la faute de votre perroquet?

par Manon Tremblay DMV

Perruche ondulée - melopsittacus undulatus

Historiette à faire réfléchir

Coquette est une charmante petite perruche verte. Elle vit depuis près de six ans dans sa famille d’humains. Comme elle se plaît énormément en leur présence, elle a appris de nombreux mots, question de faire comme eux et de parler leur langage. Elle passe de longues heures à jaser et à jouer avec les enfants. Elle fait vraiment partie de la famille et tous l’adorent. C’est pourquoi j’ai été estomaquée lorsque la mère de Vincent me demanda en consultation d’euthanasier sa perruche. "Mais pourquoi donc ?" lui demandai-je. "Votre perruche est en parfaite santé." Elle me dit l’air apeuré que c’était parce que son fils était malade et que son médecin avait dit que c’était causé par la perruche. "Sans vouloir être indiscrète, madame, est-ce que je pourrais vous demander de quoi est atteint votre fils ?" "Du Molluscum contagiosum", me répondit-elle vivement. Elle m’expliqua que son médecin lui avait expliqué que c’était la perruche qui lui avait transmis cette maladie, car toutes les perruches sont porteuses de la chlamydiose.

Je n’y comprenais plus rien. En aucun moment, la littérature médicale vétérinaire ne fait état de ce problème. Je constatais avec beaucoup de tristesse que la panique et la mauvaise information transmise à cette dame allaient coûter la vie à un innocent perroquet. Je tentai d’en savoir plus. "Pouvez-vous m’expliquer quels sont les symptômes qui incommodent votre fils ?"Elle me raconta qu’il avait un bouton sur la paupière gauche. Parce que le bouton était rond, surélevé et ressemblait à un beignet, le diagnostic ne faisait aucun doute pour le médecin: Molluscum contagiosum!

C’était la première fois que j’entendais parler de cette maladie chez l’humain. Ma curiosité était piquée. J’allais définitivement fouiller dans la littérature médicale humaine pour bien comprendre cette maladie. En attendant, il était bien clair pour moi que cette condition n’était pas reliée de quelque façon que ce soit à la chlamydiose aviaire. Je tentai en vain de l’expliquer à la dame.

melopsittacus undulatus

Elle ne démordait pas de sa décision de faire euthanasier sa perruche. Toutes mes tentatives de dissuasion échouaient.

J’ai proposé de garder la perruche en pension, le temps que je fasse une revue de littérature sérieuse lui prouvant que le molluscum contagiosum n’avait aucun lien avec la chlamydiose aviaire. Je lui ai aussi proposé de faire tester sa perruche pour la chlamydiose. En dernier recours, je lui ai offert d’adopter son perroquet et que si un jour elle changeait d’idée, je lui redonnerais avec plaisir. Rien à faire. Une peur viscérale s’étant emparée de cette dame, il n’y avait plus possibilité de lui faire entendre raison.

J’ai euthanasié Coquette non sans peine. La dame signa une autorisation d’autopsie et de prélèvement d’échantillon pour tester la prétendue présence de la chlamydiose.

À mon retour à la maison, mes recherches ont confirmé ce que je savais déjà: Coquette la perruche était morte pour rien. Le Molluscum contagiosum est une condition dermatologique contagieuse rencontrée chez les humains uniquement et principalement chez les enfants. Il est causé par un virus de la famille des Poxvirus.

Le diagnostic du médecin était bon, car l’apparence très caractéristique des lésions cutanées permet un diagnostic certain: bouton surélevé d’environ 2 à 5 millimètres, rose chair avec en son centre une dépression. Cela peut ressembler à un petit beignet. Ce virus bénin attaque les couches superficielles de la peau et se propage par contact direct peau à peau. Les objets contaminés servent aussi de véhicules pour la contamination (exemples: bancs de piscine, serviettes partagées au gymnase ou à la piscine, etc.). On rencontre principalement les boutons au niveau de la poitrine, l’abdomen, les bras, le visage, les paupières, les aines, les fesses.

perruche ondulée

J’étais bien désolée que cette information n’eusse pas été transmise à la dame en tout premier lieu.

Quelques jours suivant le décès de Coquette, je reçus le résultat du dépistage de la chlamydiose qui était négatif. L’autopsie n’avait pas non plus permis de mettre en évidence quelque anomalie que ce soit.

J’ai transmis les résultats de mes recherches et d’autopsie à la mère de Vincent. À tout le moins comprenait-elle maintenant ce qui se passait avec son fils. Je lui ai aussi demandé les coordonnées de son médecin. J’aurais aimé discuter avec lui de cette nouvelle zoonose…

Malheureusement, il n’a jamais retourné mon appel.

Il est tellement facile d’incriminer les animaux afin d’expliquer une situation que l’on ne connaît pas parfaitement !

 

 

© Manon Tremblay 2005

 

Photos
Perruche ondulée (melopsittacus undulatus), Frédérique Moulin
Perruche ondulée (melopsittacus undulatus), CAJV
Perruche ondulée (melopsittacus undulatus), CAJV