Camouflages
par Manon Tremblay DMV
Tous s'entendent pour dire qu'il n'est pas toujours facile de décoder les perroquets. Ils sont experts dans l'art de camoufler les choses ou les rendre subtiles.
Le perroquet malade
Le premier exemple qui nous vient en tête à ce sujet, c'est la facilité déconcertante avec laquelle les perroquets arrivent à camoufler leurs symptômes de maladies.
Ce talent cause bien des soucis aux propriétaires d'oiseaux de compagnie ainsi qu'aux vétérinaires traitants. Les patients à plumes leur sont souvent présentés alors qu'ils sont malades depuis quelque temps déjà. Rien n'y paraissait auparavant.
Apprendre à reconnaître les premiers symptômes de maladie de votre perroquet pourrait lui sauver la vie.
Parmi les symptômes courants:
- Un changement brusque de personnalité ou de caractère sans raison apparente (ex: un oiseau gentil qui devient méchant ou l'inverse).
- Un changement dans la routine journalière (ex: l'oiseau qui soudainement s'endort à des moments où normalement il était actif ou celui qui cesse de parler sans raison apparente).
- Un changement persistant dans la couleur et la consistance des selles (il est à noter que les selles changent normalement d'aspect selon la diète).
- Un changement dans les habitudes alimentaires (ex: le bol de nourriture ne se vide plus au même rythme).
Le sexe
En suivant la même ligne de pensée, les perroquets ne dévoilent pas leur genre, masculin ou féminin, aisément. Leurs organes sexuels sont tous internes. Rien n'est visible de l'extérieur. Fait intéressant, il existe quelques exceptions.
Certains oiseaux aquatiques, dont le canard, possèdent un tout petit pénis bien caché à l'intérieur même du cloaque. Pour le visualiser, il suffit d'explorer délicatement l'intérieur de la petite chambre. Le pénis apparaît comme une petite projection. La manipulation est douloureuse pour l'oiseau si elle est effectuée sans délicatesse. Il faut certainement une bonne dose de pratique pour sexer les canards de cette façon.
Heureusement, certains d'entre eux, moins cachottiers, ont des couleurs distinctives sur leur plumage qui permettent de différencier les sexes sans avoir recours aux grands moyens!
Revenons maintenant aux espèces que nous côtoyons plus souvent. Si certains perroquets s'affichent sans pudeur (ex: l'éclectus: vert pour le mâle et rouge pour la femelle), d'autres ne se dévoilent pas non plus aisément. Voici une petite liste de trucs qui permettent de sexer certains oiseaux sans avoir recours aux prises de sang ou à l'endoscopie. Ces informations ne sont pas toutefois infaillibles et font parfois appel à la subjectivité de la personne qui fait l'observation.
L'inséparable est très difficile à sexer, aucun dimorphisme sexuel n'est présent. Certains se fient à l'espacement des os du bassin (plus écarté chez la femelle), mais cette méthode n'est pas infaillible. Par exemple, il arrive que les os du bassin d'un mâle s'ouvrent si une masse prend de la place dans son abdomen. En revanche, le comportement de l'oiseau est un bon indicateur de son sexe: mise en présence d'une feuille de papier, la femelle découpe de longues lanières bien droites et égales et les insère soigneusement à travers les plumes de son dos. Le mâle déchiquette plutôt le papier en tous petits morceaux.
La tourterelle rieuse: le mâle est un grand courtisan et fait la cour en balançant sa tête de haut en bas et en roucoulant fort. La femelle ne danse pas de la sorte et son chant est beaucoup plus discret et moins insistant.
Le youyou du Sénégal: très subtil le petit oiseau, mais facile à démasquer quand on connaît le truc. Il suffit d'observer les plumes du dessous de la queue. Celles qui forment une zone triangulaire juste sous l'anus sont vert pomme chez la femelle et jaunes chez le mâle.
Le cacatoès: tout est dans le regard! L'iris des femelles est rouge vin et celui des mâles est noir. La couleur se définit chez l'adulte seulement.
Le gris d'Afrique (Congo): son secret, il le garde caché dans les plumes de sa queue: les plumes du mâle sont rouge feu et la couleur est uniforme. À l'extrémité de celles de la femelle, il y a une toute petite démarcation grise d'à peine un ou deux millimètres. L'ensemble donne un aspect rayé très subtil sous sa queue.
Le kakariki: le bec du mâle est un peu plus large que celui de la femelle. Il est aussi légèrement plus petit. Le mâle arbore aussi un peu plus de rouge sur sa tête.
La perruche ondulée: Facile, facile me direz-vous. Pas toujours. Les vertes et les bleues sont cependant les plus évidentes. La cire des mâles est bleu foncé et celle des femelles est brune, rosée ou bleu très pâle tirant presque sur le blanc. Là où l'aventure se complique, c'est avec les jaunes, les blanches et les bleues très pâles. On ne peut plus se fier uniquement sur la couleur de la cire qui prend des teintes très semblables chez les deux sexes: rose lilas. Observez plutôt la texture. Elle est tout à fait lisse et sans défaut chez le mâle. On pourrait presque dire qu'elle est luisante. Chez la femelle, elle est plus terne et semble plus sèche. De très petites peaux se soulèvent parfois. Pour venir compliquer le tout, certaines femelles ont une cire bleu pâle avec le contour des narines blanc mais avec la même texture de peau sèche.
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Une corne de rhinocéros.
Il arrive à l'occasion que les couches de kératine s'accumulent sur la cire de certaines perruches femelles. On dirait une véritable petite corne qui pousse. Les hormones sexuelles féminines sont responsables de ce phénomène. Le tout est sans conséquence pour l'animal. Assurez-vous seulement que la respiration n'est pas gênée. Les narines doivent toujours être bien dégagées. Cette structure finit toujours par tomber mais il est impossible de dire à quel moment. - Une maladie surprenante
Vous remarquez que la cire de votre perruche mâle qui était bleu foncé est très lisse en jeune âge et est devenue brune et raboteuse avec le temps. À la regarder, on dirait tout à fait une femelle. Que s'est-il passé?
Fort probablement un changement hormonal associé à une tumeur de ses testicules. Le testicule cancéreux sécrète parfois des hormones féminines. Comme elles sont responsables de l'apparence particulière de la cire chez les femelles, pas étonnant que leur présence dans le système du mâle provoque ces changements caractéristiques. On parle alors du syndrome de la féminisation du mâle. La castration des individus malade peut être envisagée.
L'Âge
De façon très discrète, les perroquets vous informent aussi parfois sur leur âge. À vous de saisir le message.
- Les rayures présentes sur la tête des perruches ondulées s'avancent jusqu'à la cire chez les jeunes de moins de 6 mois. En vieillissant, les rayures disparaissent de la face et ne demeurent que sur la tête et dans le cou. Également, les yeux des perruchons sont noirs car leur iris est gris foncé. À l'âge adulte, l'iris devient jaune.
- Le bec de plusieurs espèces d'inséparables très jeunes est taché de noir. La coloration disparaît avec le temps pour laisser place à un bec de couleur uniforme.
- Les jeunes aras et gris d'Afrique ont les yeux gris foncé. Vers l'âge de 8 à 12 mois, l'iris devient jaune.
Le monde des oiseaux est fascinant et complexe à la fois. À vivre avec un ou plusieurs compagnons à plumes, j'oserais parier que votre sens de l'observation s'est beaucoup raffiné.
© Manon Tremblay 2005
Photos
Pablo, psittacus erithacus erithacus, CAJV
Tourterelle rieuse, CAJV
Pioupi, roseicollis, Cathy Piton