Le sentiment du devoir accompli
par Johanne Vaillancourt
Aujourd'hui, je suis (presque) soulagée. Vous le savez, depuis plus de trente ans je me bats avec opiniâtreté contre tout ce que je considère de la maltraitance envers nos perroquets. À chaque étape, "on murmure" (pour être polie) que je suis cinglée, que je ne sais pas de quoi je parle ou le sempiternel… "Mais qu'en sait-elle, elle n'a même pas de diplôme!"
Ça a commencé par mon combat contre la taille des plumes de vol, puis contre la vente des perroquets non sevrés et chers messieurs/dames de l'industrie du perroquet, ne vous en déplaise, ces combats ont été gagnés. Je suis peut-être cinglée, mais je suis persévérante. Mon dernier combat en lice et ça depuis fort longtemps est celui contre l'imprégnation aberrante à l'humain, systématisée chez les oisillons perroquets nés en captivité, celle sur laquelle on a apposé l'acronyme maintenant si familier d'EAM pour "oiseaux élevés à la main".
J'ai beaucoup écrit, beaucoup "conférencé" et beaucoup "séminairé" sur le sujet. Je l'ai fait à en saouler l'industrie et vous-même, les acquéreurs pleins de bonne volonté qu'on a honteusement trompés en vous vantant les "mérites" de l'élevage à la main. Ça ne prenait pas de diplôme pour comprendre que cette méthode d'élevage relève d'une barbarie sans nom et d'une cruauté infinie qui ne vise qu'une seule espèce… nos perroquets. On n'élève pas de chiens ni de chats EAM, tout simplement parce qu'on connaît trop bien les tragiques conséquences de l'imprégnation aberrante à l'humain et de la dyssocialisation primaire.
Vendredi, alors que j'offrais une formation à mes fantastiques étudiants, l'une d'elles a porté à mon attention que l'ordre des médecins vétérinaires du Québec (OMVQ) a décidé de prendre position sur cette méthode d'élevage. Ouf! Le choc que ce fut pour moi, vous n'avez même pas idée. Pour dire vrai, le sol s'est dérobé sous mes pieds et j'ai bien failli tourner de l'œil. Finalement, mon corps a décidé que pleurer était la meilleure solution, alors oui, j'ai craqué et j'ai pleuré comme une Madeleine devant mes étudiants et je n'en ai pas honte. Tant d'années de combat acharné contre cette méthode d'élevage, tant d'années à me faire insulter par ceux qui profitent crapuleusement de cette méthode d'élevage abjecte; toutes ces années où je me sentais si seule, un peu comme le David de l'histoire, face à un géant qui n'avait jamais été terrassé, toutes ces années où j'ai eu l'impression de hurler dans un désert si vaste que personne ne pouvait m'entendre. Bien, aujourd'hui je réalise (enfin) que je ne perdais pas mon temps à hurler comme ça, j'ai hurlé si fort pour les perroquets qu'on a fini par m'entendre.
Une toute petite phrase dans un guide d'adoption du perroquet dans le site Internet de l‘OMVQ et ma confiance en l'être humain s'est soudainement ravivée. Cette phrase, la voici…
"4. Si possible, CHOISIR UN BÉBÉ ÉLEVÉ PAR SES PARENTS et manipulé au nid par l‘éleveur. Les petits retirés du nid à quelques semaines et nourris par des humains ont des problèmes d‘identité qui peuvent mener plus tard à des problèmes de comportement."
Je ne pensais pas assister à un tel retournement de mon vivant et aujourd'hui et à la fin de ma carrière, le miracle se produit enfin.
Au moment d'écrire ces lignes, j'en tremble encore tellement je suis bouleversée. Bien sûr, ce n'est que le modeste début de quelque chose qui changera à jamais le sort de nos perroquets nés en captivité, mais c'est un bon début. Évidemment, en ce qui me concerne, je ne pourrai continuer ce combat encore longtemps, mais en ce moment, je forme des étudiants qui eux continueront à se battre pour nos perroquets.
Messieurs/dames de l'industrie, pendant toutes ces années vous avez tiré sur le messager (moi) plutôt que sur mes idées et celles-ci ont pu faire leur bout de chemin tranquillement. Vous m'avez visée (moi) parce que vous saviez fort bien que votre méthode d'élevage est tout simplement indéfendable et que mes écrits contre cette méthode sont justes et véridiques. Vous n'aviez simplement pas d'argument pour défendre votre ignoble business.
Maintenant que l'ordre des vétérinaires du Québec conseille de CHOISIR UN BÉBÉ ÉLEVÉ PAR SES PARENTS, vous n'aurez d'autre choix que de revoir vos méthodes d'élevage parce que vous serez dorénavant considérés comme des barbares d'un temps révolu en continuant l'EAM. Vous savez, faire de l'élevage éthique, en respectant les besoins des perroquets, ce n'est pas plus mal. Bien sûr c'est un peu moins rentable, mais c'est tellement plus gratifiant… vous verrez.
Ce n'est qu'un début, l'histoire ne se terminera pas avec moi. Elle se poursuivra tant et autant qu'il y aura d'autres "cinglés" qui auront à cœur le bien-être de ces oiseaux.
Il y a mes étudiants (si chers à mes yeux), mais il y a vous aussi, qui aimez les perroquets (tout aussi chers à mes yeux), et qui demandez à ce qu'on respecte ces oiseaux dans leur intégrité. Il y a aussi ces vétérinaires québécois que je félicite (tellement), qui s'accordent à nous démontrer qu'ils ont à cœur le bien-être des animaux qu'on dit de compagnie, incluant nos perroquets.
À vous tous je dis… Je vous aime
P.S.
Pour cadeau, je vous offre un de mes textes du Post des Perroquets
(gratuitement) que je vous conseille fortement de lire, vous n'avez qu'à suivre
ce lien… >>
© Johanne Vaillancourt 2019