Les modes de défense du perroquet

par Johanne Vaillancourt

Lorsqu’on pense "moyens de défense du perroquet", immédiatement notre imagination s’emballe et on se déroule le film de la dernière agression (croquée) de notre oiseau. Le perroquet étant, comme nous l’avons vu, un animal proie, il serait illusoire de s’imaginer que l’agression serait sa première réaction instinctive de défense face à une menace, surtout si cette dernière provient d’un prédateur naturel de l’espèce.

Les modes de défense primaires = Sans la détection de prédateur sur le territoire

Les modes de défense sans prédateur sur le territoire font partie de ce qu’on appelle la défense primaire. Les moyens de défense primaires sont ceux qui diminuent les risques de rencontre ou, pire encore, de confrontation avec un prédateur.

Caique perché en hauteur.

1. La hauteur

La première stratégie de défense pour le perroquet consiste justement à ne pas avoir à se défendre. Le perroquet est un animal qui vole, doublé d’une excellente agilité de grimpeur. Pour le perroquet, s’envoler vers la cime des arbres, bien à l’abri sous la canopée, est sans contredit synonyme de sécurité.

Contrairement à ce qui est (trop) souvent véhiculé, les perroquets ne se perchent pas en hauteur pour dominer leurs congénères et/ou accessoirement les humains avec lesquels ils partagent le territoire. (Comme je l’ai souvent expliqué, les gris d’Afrique ne se perchent pas dans les arbres pour dominer les lions qui se trouvent en bas).

Ces volatiles aiment se percher en hauteur puisque cette façon de faire diminue les risques de rencontrer ou de se faire remarquer par un prédateur… et il en va de même pour le perroquet vivant dans nos maisons. Rien de tel qu’une bonne perche très haute et bien sécuritaire pour piquer son petit roupillon d’après-midi ou pour jauger de la qualité d’un visiteur dans la maison.

Il serait faux de croire que le perroquet tente de dominer l’humain, lorsqu’il se perche en hauteur, afin que ce dernier ne puisse l’y rejoindre… Dans un cas de dissidence de la part du perroquet, la fuite en altitude est simplement une prise de position stratégique pour se dérober à une contrainte de la part de son humain, telle le retour à la cage ou la pose du harnais…

Gris d'Afrique se tenant instinctivement en groupe.

2. La grégarité

Les perroquets sont des animaux très grégaires pour la plupart des espèces. Ils vivent en société tout au long de l’année et non pas seulement en saison de reproduction. La vigilance à plusieurs est de loin beaucoup plus efficace.

La formation de groupes sociaux est déterminée, entre autres, par trois facteurs fondamentaux:

  • La recherche alimentaire
  • La reproduction
  • La sécurité ou défense contre les prédateurs

La vie en groupe assure la sécurité des individus: les prédateurs préfèrent s’en prendre à une proie isolée plutôt que de tenter leur chance avec un groupe tout entier.

De plus, certaines espèces de perroquet utilisent un système dit "de sentinelles". Lorsqu’il y a menace, les sentinelles émettent des cris d’alerte très distinctifs et reconnaissables, et le groupe entier s’envole en "masse", créant ainsi beaucoup de confusion pour le prédateur.

On considère ici qu’une volée de perroquets forme un groupe social lorsqu’ils:

  • Volent ensemble à peu près à la même vitesse et la même altitude;
  • Fourragent ensemble aux mêmes points d’alimentation;
  • Se rejoignent au même dortoir pour passer la nuit.
Aras, espèces multispécifiques.

Ce principe vaut autant pour les espèces monospécifiques que pour les groupes multispécifiques

Chez les groupes monospécifique, l’homogénéité est une très efficace stratégie de défense. Comme la plupart des espèces appartenant à ce groupe se nourrissent partiellement au sol, la meilleure défense, surtout contre les prédateurs venant du ciel, est l’aspect identique de tous les membres du groupe. Il est en effet très confondant pour un prédateur de repérer facilement une proie à l’intérieur d’une grosse masse de couleur uniforme et surtout, de "focuser" sur un seul individu.

Par contre, chez les groupes multispécifique, qui sont pour la plupart arboricoles, l’homogénéité des couleurs est moins importante puisqu’ils sont la plupart du temps, protégés par une dense couverture de feuilles. Les oiseaux de ces espèces forment de plus petits groupes sociaux, afin de garantir les ressources du territoire, mais forment tout de même des alliances avec d’autres espèces, ayant pour finalité d’augmenter le nombre d’individus dans le groupe.

En s’alliant avec des espèces différentes, il y a moins de compétition pour la nourriture et pour les nids, puisqu'elles ont des particularités alimentaires qui ne gênent en rien celles des autres espèces de perroquets. Et le partage des aires de nidification ne pose pas non plus de problèmes puisque les espèces sont de tailles différentes. Par ces alliances, ces groupes profitent tout de même du système de sentinelles et de surveillance à plusieurs.

Colori de l'amazone est majoritairement vert.

3. Les coloris

Les perroquets ont su développer au fil de leur évolution, des particularités de coloris de plumage sachant les rendre pratiquement invisibles aux yeux des prédateurs.

L’homochromie du camouflage des perroquets verts n’est un mystère pour personne. Dans la forêt, sous le couvert des arbres, c’est encore la meilleure couleur à arborer si on désire passer inaperçu. Il en va de même pour les rouges, les orangés et les jaunes qui se confondent facilement avec la flore d’un décor tropical.
Selon l’ornithologiste Sam Foster, les oiseaux gris, tels les cacatoès rosalbins et les gris d’Afrique, présenteraient un avantage visuel particulier les journées très ensoleillées. Elle a remarqué que l’argenté de leur plumage agissait comme un miroir en reflétant les rayons lumineux du soleil, occultant momentanément ces oiseaux aux yeux des prédateurs lorsqu’ils sont en vol.

Et à l’opposé du spectre, les cacatoès blancs créent, toujours selon ses dires, ce qu’elle appelle "une perplexité visuelle" sur le fond bleu du ciel lorsqu’ils volent en groupe lors de journées ensoleillées.

La nature a su pourvoir les animaux proies de systèmes très efficaces de défense qui leur permettent d’éviter les énormes risques d’une confrontation.

Par contre, les mauvaises rencontres ne sont malheureusement pas toujours évitables.

Les modes de défense secondaires = Présence de prédateur sur le territoire

Les modes de défenses secondaires se manifestent lorsqu’il y a présence de prédateur sur le territoire. Les réactions de défense secondaires n’apparaissent que lorsque l’oiseau a repéré un prédateur et ces réactions n’ont qu’un seul et unique but : échapper à toute forme de confrontation avec ce dernier.

Le perroquet fuit en s'envolant.

1. La fuite (abandon)

Chez les animaux prédateurs, l’instinct de se battre ou se défendre est souvent le premier acte réflexe face à une menace ou une agression. L’instinct de fuir vient en second lieu si l’agresseur semble avantagé de quelque façon que ce soit, afin de prévenir un combat où les pertes seraient trop coûteuses. Chez les perroquets qui, eux, sont des animaux proies, c’est tout le contraire qui se produit. Peu importe la menace, la première option utilisée comme moyen de défense demeurera toujours la fuite, et ce, peu importe le danger.

Il ne faut pas perdre de vue que la condition de proie implique le risque pour le perroquet de se faire happer par un prédateur à tout moment et lors de n’importe quelle activité quotidienne de sa vie (ce qui est assez difficile à concevoir pour nous qui sommes des prédateurs et vivons généralement bien à l’abri des dangers). Nous n’avons aucune idée de ce à quoi peut ressembler la survie en tant qu’animal proie. C’est entre autres pour cette raison que les perroquets sont naturellement si "méfiants" face à ce qui est inconnu (situation, humain, autre animal ou objet), et qu’ils semblent à nos yeux, être des animaux si "nerveux", si prompts à réagir, du moins, si on les compare à nos chiens ou nos chats domestiques.

Le perroquet ne sait ni attaquer, ni se battre. Sa première réaction de défense, c’est la fuite; c’est un des états d’urgence de l’instinct. C’est sa principale stratégie de survie et pratiquement la seule vraiment efficace dans son milieu naturel.

Dans un contexte de captivité, face à une situation menaçante, c’est lorsque l’oiseau est dans l’impossibilité de pouvoir réagir selon les prescriptions de ses instincts (plumes de vol taillées, enfermé dans une cage ou pris dans un coin), qu’il risque de mordre, de façon réflexe, n’importe qui ou n’importe quoi se trouvant à portée de son bec, même son humain chouchou. Un perroquet en état de panique pense réellement lutter pour sa survie et, croyez-moi, ce n’est pas rien, à ce moment: la proie vit un stress intense qu’il nous est très difficile d’imaginer.

2. L’immobilité

Lorsqu’un prédateur (un épervier ou rapace) est en approche et que le perroquet se trouve momentanément éloigné de son groupe, qu’il ne peut s’enfuir sans attirer l’attention sur lui, ou encore, s’il ne peut se réfugier sous le couvert des arbres ou autres protections environnementales, il sait de façon instinctive qu’un oiseau isolé est une proie de choix pour un prédateur volant. Il décidera donc à ce moment de ne pas bouger, de demeurer parfaitement immobile en espérant de tout son être ne pas être remarqué.

Le perroquet peut faire le mort.

Ce comportement d’immobilité est fréquemment observé chez le perroquet de compagnie auquel on a taillé les plumes de vol lorsqu’il se sent menacé ou que d’autres perroquets émettent un cri d’alerte. Un exemple: alors que tous les perroquets de la maisonnée s’envolent, Étienne, mon amazone à front bleu, gèle littéralement sur place lorsque qu’un de mes perroquets émet un cri d’alarme. Cet oiseau ne peut se s’enfuir en volant puisqu’il a jadis eu une aile brisée. Étienne ne vole pas… donc… il "freeze"!

3. L’inhibition d’action

C’est ce qui pousse l’oiseau à faire le mort lorsqu’il sait qu’il n’a aucune chance de sortir vivant d’une agression. À ce moment, il y a modifications métaboliques tels le ralentissement de la respiration et une dépression brutale qui entraîne la prostration. L’oiseau semble réellement mort.
Si le prédateur ne sent plus sa proie, il se peut alors qu’il relâche son étreinte, et c’est à ce moment-là que l’oiseau essayera de se dégager et s’enfuir. Une chance sur 100 que ça fonctionne, mais ça vaut le coup d’essayer…

4. La déviation

La déviation d’une attaque, c'est lorsque l’oiseau détourne l’attention du prédateur, soit en simulant être blessé lui-même ou soit en harcelant le prédateur, afin protéger son nid ou un autre individu du groupe qui est blessé ou dans l’impossibilité de fuir. Ce dernier comportement est particulièrement répertorié chez les cacatoès.

Le perroquet peut menacer.

5. La menace (parade)

La menace précède généralement l’affrontement, mais celle-ci peut disparaître par apprentissage, ce qui est souvent le cas chez les perroquets "domestiques".

Dans la nature, ce genre d’avertissement n’impressionne que peu de prédateurs et est généralement inefficace. Les parades n’intimident que les autres oiseaux du groupe, les humains à la rigueur, mais n’ont aucune incidence sur la détermination des rapaces, serpents ou chats féraux.

6. La riposte

La riposte est l’ultime défense, le dernier recours. C’est l’ultime option que choisira le perroquet pour se défendre et il n’y recourra que s’il n’y a réellement aucune opportunité de fuite et qu’il sait que sa vie est véritablement en danger. À ce moment, la riposte est excessivement violente et le perroquet y investira toute son énergie puisqu’il sait qu’il a peu de chance de sortir vivant de l’agression, la motivation de l’assaillant étant généralement de le tuer pour ensuite s’en repaître. La principale arme de défense qu’utilisera le perroquet est, vous vous en doutez bien, son bec puissant.

Le perroquet peut mordre.

La plupart des perroquets, peu importe la taille, sont très fragiles à la prédation, car ils ne savent pas se battre ni se défendre et, face à une réelle agression à laquelle ils ne peuvent échapper… certaines espèces, allez savoir pourquoi, se retournent sur le dos. Certains observateurs interprètent ce geste comme une position de défense et d’autres comme étant une posture d'abandon, mais peu importe la raison, il n’en demeure pas moins que le perroquet ainsi positionné est dans l’impossibilité de fuir. Le perroquet adopte cette attitude extrême lorsqu’il sait que l’issu du combat lui sera défavorable.

Il serait souhaitable que, dans nos maisons, les perroquets n’aient jamais à se défendre de qui ou de quoi que ce soit. L’absence de prédateur sur le territoire est un des avantages incontestables de la domesticité. C’est à nous, humains, de bien connaître les besoins innés de nos oiseaux ainsi que les attitudes à adopter face à eux, afin d’éviter d’être perçu comme le "super-prédateur" des environs.

 

 

© Johanne Vaillancourt 2007 -2009

 

Photos
Bilbo, pionites melanocephala, CAJV
Pablo, Peanut et Gazou, psittacus erithacus erithacus, CAJV
Ara ararauna, et, ara chloroptera, Frédéric Faure
Lili, amazona aestiva, CAJV
Pitchou, amazona aestiva, Hervé Andaloro
Bib, psittacus erithacus timneh, CAJV
Rubens, deroptyus accipitrinus, et Cracou, amazona aestiva, Stéphanie Duval
Lili, amazona aestiva, CAJV